Dans un billet publié récemment sur son Blog, Eric Viennot a adressé une lettre ouverte à trois vénérables cinéastes, s’appuyant sur une interview récente de Mathieu Kassovitz. Argumenté, cette lettre n’en était pas pour autant dénuée d’esprit critique. Rien de bien virulent toutefois. Sauf que cette lettre a amené Mathieu Kassovitz himself à y répondre en commentaire, avec véhémence !
Acte 1 : Kasso et le jeu vidéo
Fin janvier, Mathieu Kassovitz livre une étonnante interview au nouvel obs, déclarant son envie de s’aventurer dans le monde du jeu vidéo. Par passion et envie de challenge personnel ? Pas seulement apparemment ! Le célèbre acteur / réalisateur a d’autres ambitions, bien plus grandes : il veut révolutionner les codes du jeu vidéo. En effet, Kasso en a « marre que l’on me vende 70 euros la suite d’un jeu où il y a juste 3 niveaux de plus. Les joueurs ont besoin de substance, que ça apporte réellement quelque chose », et veux faire du jeu vidéo « un art majeur ». Rien que ca.
Bien évidemment, tout cela manque un minimum de modestie et de respect envers les créateurs de jeux actuels. Et Kasso prends le risque de limiter le jeu vidéo à son seul aspect scénaristique et visuel, ce qui démontre une vision légèrement bornée et limitée de ce média. Mais après tout, pourquoi pas ? Des idées nouvelles (si elle le sont vraiment bien entendu) peuvent apporter énormément de choses au jeu vidéo. Et à la lecture de cette interview, mon sentiment était simple : Wait and See ! Attendons de voir ce que le monsieur est capable de faire, si un jour il décide de passer à l’action.
Acte 2 : Viennot et la lettre ouverte aux cinéastes
Le blog d’Eric Viennot est un petit bijou, tant chaque article est incroyablement réfléchi, documenté et instructif. Les analyses des mécaniques du jeu vidéo, de l’importance scénaristique ou du gameplay y sont expliqués de très belle manière, avec un ton quasi-documentaire. Il faut dire que le monsieur ne fait pas que bloguer. Eric est le patron de Lexis Numérique, le créateur d’In Memoriam ou d’eXperience 112, et possède le titre de Chevalier des Arts et Lettres.
Dans une lettre ouverte, Eric Viennot exprime quelques réserves sur ces cinéastes semblant s’intéresser à ce média en vogue qu’est le jeu vidéo, et voulant s’y installer tel des empereurs débarquant en pays conquis. Le message exprimé est simple : nous sommes heureux de vous accueillir, mais n’oubliez pas d’appréhender l’ensemble des composantes qui font un jeu vidéo, car celui-ci ne se résume pas à son simple scénario.
Certes, la prose est parfois acide : « Ouais là faut avouer que le Kasso a dû péter une durite ! C’est vrai qu’on se sent vachement coupable mes collègues et moi ! Ayez pitié de nous, notre salut dépend de vous, Oh Vénérables Artistes ! ».
Pas de quoi casser trois pattes à un canard néanmoins, et le message semble même plutôt accueillant. En gros, venez, mais montrez de quoi vous êtes capables.
Acte 3 : Kasso sort les crocs
Internet est riche en surprise. Voir Mathieu Kassovitz répondre à la lettre ouverte d’Eric Viennot, dans un commentaire de l’article, en est une. Le réalisateur, touché par cette lettre, a tenu à répondre de manière incroyablement virulente. Un véritable règlement de compte virtuel ! L’intégralité est à lire sur le blog d’Eric Viennot, mais je ne peux m’empêcher d’en diffuser quelques extraits.
« Je ne comprends pas ces attaques personnelles car nous ne nous sommes jamais rencontré auparavant, d’ailleurs votre existence m’était inconnue a ce jour. »
« Je ne peut m’expliquer votre article autrement que par le sentiment d’une jalousie féroce, non pas envers moi (ou plus généralement les cinéastes) mais plutôt envers votre ami David Cage qui vient de réussir ce que vous n’avez jamais pu concrétiser durant vos vingt et quelques années de carrière. »
« Sans doute étiez vous un précurseur, mais quoi qu’il en soit, votre marque dans cet univers, n’est pas comme vous le résumez dans votre trop humble autobiographie publiée sur votre site, « révolutionnaire », sauf peut etre dans certaine maternelle. »
« Quoi qu’il en soit, je suis extrêmement énervé de votre manque d’honnêteté intellectuelle et de votre évidente petitesse d’esprit, et je vais me faire un plaisir de vous répondre, la haine de la connerie humaine étant toujours mon moteur et mon fuel. »
« Vous déclarez que pour faire du jeu video il faut garder une âme d’enfant, ce qui dans votre cas, à la lecture de votre article, ne dépasse pas le CE2 . »
J’arrête là, mais les propos de Kasso contiennent un nombre incroyable d’attaques personnelles. Whaou ! Je n’arrive absolument pas à m’expliquer une telle violence, à la limite de la légalité vu qu’on en arrive même aux menaces : « La prochaine fois je me ferais un plaisir de venir vous chercher derrière votre écran… »
Bon, à quand l’acte 4 ? Allez messieurs, réglez ca sur le live dans un ptit Street Fighter 4 !
Image d’illustration : petit délire de Babs, à partir d’images d’Udoncrew
Pour info, l’acte 4 vient de sortir : http://tinyurl.com/yldjkt6.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ton analyse (mais il faut dire que j’aime bien jouer l’avocat du diable). Le billet d’Eric Viennot me fait une impression étrange, comme s’il l’avait rédigé en plusieurs vagues : la première fois dans un style réfléchi, je me risquerais même à dire mature, puis avec un plus grand laisser aller avec des ajouts plus puérils entre parenthèses. Ca m’a vraiment gêné et a pour moi fait basculer le texte. La réflexion sensée d’Eric Viennot, avec lequel je suis plutôt d’accord sur le fond, est troublée par ce qui peut sembler être une certaine aigreur. Et en ce sens il ne me paraît pas inconcevable que Mathieu Kassovitz puisse s’émouvoir de se voir ainsi brocarder.
Toutefois, sa réponse est assez consternante! Entre le déballage de passé vidéoludique (pour faire un parallèle, je vais au cinéma depuis ma plus tendre enfance mais ça ne me donne pas en soi une légitimité particulière vis à vis de ce média), les poussées d’orgueil, de mépris (notamment envers les lecteurs, et ça me parait encore pire) et les menaces que tu cites, le bonhomme est loin d’en sortir grandi à mes yeux. C’est très dommage d’ailleurs car on sent poindre tout de même quelques idées intéressantes.
Si seulement la réponse plus posée d’Eric Viennot pouvait permettre de lancer une discussion sur de nouvelles bases, ça serait très enrichissant pour nous lecteurs. Croisons les doigts!
Je suis du même avis, mais j’avoue que pour le coup j’ai un avis assez négatif pour les deux camps. Viennot n’a réellement pas cherché à lancer le débat, mais il a surtout cherché à attaquer Kasso. En vrai, la lettre ouverte est adressée a lui et lui seul. James Cameron et Peter Jackson sont cités juste comme ça, histoire de faire du remplissage, mais c’est juste Kassovitz qui en prend pour son grade. Pour pas grand chose en plus. Après tout, il ne fait qu’exprimer sa passion du jeu vidéo, certes avec une certaine maladresse, mais on devrait plutôt l’accueillir et lui laisser l’opportunité de s’exprimer ludiquement parlant, et pas lui lancer des insultes virulentes purement gratuites et puériles.
Et Kassovitz aurait mieux fait de ne jamais répondre. Ca le décrédibilise plus qu’autre chose. Entre ses fautes d’orthographe et ses argumentations nazes, c’est plutôt triste.
Perso, je suis plutôt du côté Viennot… en dépit du ton un peu polémique de son premier post (que j’ai bien aimé).
Pour ceux qui s’intéressent au débat, je vous conseille le podcast de « Silence on joue » de cette semaine (http://www.liberation.fr/medias/060…). Ils reviennent sur une interview de David Cage dans laquelle le papa de Heavy Rain donne son avis sur l’évolution des jeux vidéo et le rapport avec le cinéma. Et il a l’air bien bouffi d’orgueil le garçon!
Il va falloir que j’écoute ca, merci pour le lien Djou.
En même temps, j’suis toujours mal à l’aise moi avec tous ces gens qui prétendent « révolutionner » quelque chose. Je trouve que c’est d’une prétention incroyable, et un manque de respect flagrant envers les autres créateurs.