Il ne s’oublie jamais. Alors que j’étais toute jeune j’ai pu connaitre l’expérience du débourrage d’un jeune cheval. C’est un moment magique que je souhaite partager avec vous.
Est-ce que la période des naissances de poulains me fait penser aux jeunes chevaux, je ne sais pas trop. Ce qui est sur, c’est qu’il me revient en mémoire très souvent à cette période mon premier débourrage. Laissez moi vous raconter cette histoire…
J’avais 15 ans. Forte de mes quelques années d’expérience en club mais aussi dans une écurie de chevaux de course, me voilà face à un défi d’envergure : débourrer une pouliche de 2 ans.
Mlle Kelly Wonder, petite Anglo-Arabe de couleur bai, allait devenir l’un de mes plus beau souvenir.
Avant de me lancer dans cette aventure, j’ai cherché des livres pouvant m’aider dans ce dur labeur. Je suis tombée nez à nez avec le livre de Mario Luraschi (rien à voir avec les chevaux de course vous allez me dire) : Mes secrets de dressage. J’ai ensuite regardé les vidéos expliquant sa méthode. J’ai trouvé cela idéal. En effet, la méthode est douce et rassurante (je me voyais mal faire du rodéo).
Comme je souhaitais faire bien les choses, j’ai pris la jument chez moi. Elle a été colocataire de Mill Bone, la jument dont je vous parlais il n’y a pas si longtemps. J’ai pu ainsi tisser des liens solides avec la jument avant de pouvoir imaginer monter dessus.
Matin et soir elle avait droit à son lot de caresses. Mais aussi progressivement à un pansage de plus en plus abouti. Elle connaissait le licol mais pas le fait d’être attachée.
Pour qu’elle n’apprenne pas à tirer au renard (tirer violemment vers l’arrière et risquer de se démettre une vertèbre cervicale) je lui mettais une longe coulissante dans l’anneau. si elle faisait mine de reculer, je n’avait qu’à donner du mou et « râler » et elle arrêtait. Ensuite il a fallu lui apprendre à se laisser nettoyer et curer les pieds. Avec de la patience, ça n’a été qu’une formalité. Il faut avouer que Kelly était naturellement calme et coopératrice.
Au bout d’une semaine, la pouliche acceptait la totalité du pansage. J’ai donc enchainé sur l’acceptation du mors et du filet. Seul impératif pour moi : ne pas lui faire mal. En 2 ou 3 jours Kelly a complètement accepté d’avoir un bout de métal dans la bouche (merci les petits sucres). J’ai opté pour le filet aiguille, bien adapté aux jeunes chevaux.
Pour la selle, je m’y suis également pris en plusieurs jours. Tout d’abord l’acceptation du tapis. Elle n’était pas trop peureuse et avait bien confiance en moi donc elle n’y a pas vraiment porté d’intérêt. La selle, je lui ai mise sur le dos le lendemain, évidemment sans serrer la sangle et sans marcher. Elle faisait rire la petite Kelly toute penaude, en train de se demander ce qui se passait mais sans faire de rébellion.
Comme la selle ne lui faisait ni chaud ni froid, le lendemain je l’ai sanglé (pas trop fort) et je l’ai faite marcher en longe au pas. Elle marchait comme si de rien était. Du coup je l’ai faite un peu trotter et galoper et là encore rien de particulier.Elle était tellement calme que je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison que je ne monte pas dessus le lendemain. Armée d’un collier (fait avec une étrivière) que je lui ai mis autour du coup, me voilà sautillant à coté d’elle pour qu’elle ne prenne pas peur au moment où ma maman allait me mettre sur son dos. Vu son jeune âge, il n’était pas question de mettre le pieds à l’étrier (et de toute façon dans un premier temps ça n’avait pas grande importance). 1, 2, et 3 hop en sac à patate… Aucune réaction à part un mouvement de tête vers moi comme pour dire « Ah bon t’es sur mon dos ?! ». Comme tout se passait bien ma mère l’a faite marcher au pas tranquillement. J’étais tellement sure de moi que je me suis dit que la position « à cheval » ne la perturberait pas plus et après quelques gesticulations je me suis assise sur la selle. Bien partis comme on était, j’ai continué sur ma lancée et nous avons fait notre première « balade ». Ma mère devant et la jument et moi dessus derrière. Ça valait le coup d’œil, nous voilà partie dans le maquis toute les trois. La jument n’avait pas encore la direction assistée mais était toute gentille. De temps en temps elle sortait du chemin pour aller dans les cistes mais ne prenait pas de risque inconsidéré ni ne forçait l’allure.
Ce soir là, je me suis vraiment demandée pourquoi beaucoup de débourrages se passent mal ? Pourquoi les cavaliers ne prennent pas le temps ? C’est sur, je n’avait pas d’objectif de performance et je n’avais pas l’obligation d’aller vite. Cependant toute cette phase qui a duré près de 2 semaines a permis d’avoir une jument super fiable après. Parce que vous vous en doutez, la suite du débourrage à été dans le même esprit, avec une jument à l’écoute et prête à apprendre tranquillement son métier. Les changements de direction par rêne indirecte, le départ au trot et l’arrêt se sont très bien passés et assimilés très rapidement.
Ce n’est pas moi qui lui ai appris la partie « galop ». C’est à un jockey qu’à été donné cette tâche afin de lui apprendre correctement les départs et l’attitude caractéristique du cheval de course. C’est à ce moment là que mon travail de débourrage avec elle s’est terminé.
J’ai tout de même continué à la monter occasionnellement en balade et sur la plage. C’était une jument super agréable mais alors…. mauvaise en course. Certains disaient à l’époque que je la chouchoutais trop pour en faire une gagnante. Mais bon, j’étais et je suis restée comme ça… Je ne concevais pas qu’un cheval puisse donner tout ce qu’il a dans le ventre sous la contrainte et par la force. Je me trompe peut être mais c’est ma conviction.
Tous les autres débourrages qui ont suivit ont été magiques, mais pas autant que celui de Kelly.
Je voudrais terminer par un complément d’information. J’ai eu la possibilité de débourrer un cheval grâce à une grande amie qui a pu m’initier tout ce qu’elle connaissait dans les chevaux. Et le fait qu’elle me laisse faire était un gage de grande confiance. En gros, débourrer un cheval semble simple mais n’est pas accessible à tout le monde. Avant de vous lancer dans l’aventure, ayez d’abord l’avis d’un professionnel.