A l’heure où vous lirez ces lignes je serai sûrement au bord de la mer à profiter de la douceur des vacances et des 30° à l’ombre qui vont avec ! Du coup, comme je suis sympa, je vous propose aujourd’hui un article un peu atypique : une nouvelle, et plus précisément une fan fiction de Derrick (Oui vous avez bien lu).
J’ai écrit cette nouvelle il y a quelques mois dans le cadre d’un « concours » amical de nouvelles entre adultes consentants…euh…entre membres du forum de CanardPC en fait. Je vous préviens, cela n’a rien à voir avec le jeu vidéo ! J’espère que ça vous plaira, n’hésitez pas à critiquer en commentaire !
Harry Klein, justicier – Baroudeur
« – Harry? Harry! Le petit déjeuner est en train de refroidir! Tu vas être en retard au travail enfin!
– Ca va, j’arrive! »
Ah les femmes, toujours sur notre dos sans raison. Mais on les aime pour ça aussi.
« – Je te rappelle que j’ai 48 ans, je peux me débrouiller tout seul.
– Ouh! Mais tu t’es levé du pied gauche ma parole ! Je t’ai préparé ton goûter, ne l’oublie pas avant de partir. Et dépêche toi, les criminels ne vont pas t’attendre mon chéri.
– Oui maman… »
Je suis Harry Klein, fier représentant de la Police allemande, gare à vous les voyous! Il est vraiment temps que je retravaille mon accroche, si je l’utilise encore une fois en opération Derrick va demander à changer de partenaire c’est sûr. Stephan Derrick est mon coéquipier, et mon mentor. C’est le meilleur enquêteur-psychologue-philosophe du vieux continent. Nous formons une équipe de choc, l’élite de l’investigation à l’allemande, comme « Deux flics à Miami » en moins violent, et à Munich. Oui, ça c’est bien, « Deux flics non violents à Munich »! J’en parlerai à Derrick il va adorer. Sûrement. Ou pas.
Aujourd’hui nous partons enquêter sur une affaire de disparition très étrange. Des habitants de Buch, une petite bourgade au Sud-est de Munich, ont signalé il y a deux jours la présence de rôdeurs autour de leur maison. Les deux agents envoyés sur place n’ont plus donné signes de vie depuis.
Derrick m’attend déjà sur les marches du commissariat lorsque j’arrive au volant de mon break Mercedes 1984 vert forêt. L’auguste silhouette de l’inspecteur principal se détache clairement sur le ciel chargé du mois d’avril et son imper beige flottant au vent renforce son allure héroïque, super-héroïque même. Ce qui m’impressionne le plus chez Derrick, en dehors bien sûr de son redoutable intellect, c’est son odeur. Il sent la nature après la pluie, il sent…comme un coin à champignons, voilà! Et alors qu’il prend place sur le siège en cuir, la voiture se transforme instantanément en sous bois. Quelques minutes plus tard, Derrick m’arrache à ces rêveries champêtres et m’indique la direction à suivre pour rejoindre l’adresse des Wassermann, le couple ayant signalé les rôdeurs, première étape de notre enquête. Sa connaissance de la géographie locale doit d’avantage à la présence de sa cabane de pêche un peu à l’écart du village qu’à un quelconque module GPS intégré dans ses lunettes comme on pourrait l’imaginer. Son habitude des environs nous facilitera sûrement l’enquête, et on pourra rentrer à temps pour Des chiffres et des lettres. Les Wassermann habitent un bâtiment de ferme au sommet d’une petite colline ceinturée d’arbres bourgeonnants. De timides rayons de Soleil viennent moucheter le paysage alors que nous nous engageons dans l’allée pavée menant à la maison. Un gros chien noir vient à notre rencontre et me saute dessus dès ma descente de voiture.
« – Couché Rex! »
Le chien se retourne vers l’homme qui vient de sortir de la bâtisse, grogne bruyamment puis s’éloigne en trottinant. Monsieur Wassermann nous accueille sur le pas de la porte d’une poignée de main puissante. Notre interlocuteur semble avoir conservé l’énergie de la jeunesse malgré ses rides et sa chevelure poivre et sel trahissant son âge. Il nous confirme qu’il a bien reçu la visite des agents Franz et Bauer il y a deux jours. Après avoir recueilli le témoignage de nos hôtes et inspecté les abords de leur propriété, nos collègues seraient partis en direction du village. Concernant les rôdeurs, Madame Wassermann, qui nous a rejoints sur le perron entre temps, se montre rassurante en indiquant qu’il s’agissait certainement d’un animal, un cerf par exemple, et qu’elle et son mari sont désolés de la tournure que cette affaire est en train de prendre. Sa déclaration tranche avec l’impression de terreur qui se dégageait lors de leur appel à la Police quelques jours plus tôt. Je fais part de mes doutes à mon coéquipier en reprenant le volant mais Derrick, qui est resté en retrait lors de notre entrevue, m’assure que mes inquiétudes ne sont pas fondées et que parfois, l’isolement aidant, les gens ont tendance à paniquer un peu vite. Nous prenons la route du village, suivant les traces des agents disparus. Stephan, vraisemblablement en pleine réflexion, est encore plus silencieux que d’habitude et il ne sort de son mutisme que pour m’indiquer notre prochaine halte, le café du village. Mais bien sûr! Quel meilleur endroit pour recueillir des informations que le seul débit de boissons à 10 km à la ronde! Le Bilboquet est presque vide en cette fin de matinée. Seuls trois hommes attablés se partagent la salle jaunie du troquet où une femme voutée par les ans essuie quelques verres derrière un comptoir rustique.
« – Bonjour Dita.
– Bonjour Monsieur Derrick, comment allez vous depuis la dernière fois? On vous voit souvent cet an-ci!
– Ça va, merci. Nous sommes là pour enquêter sur la disparition de nos collègues passés par ici il y a peu. Vous vous rappelez peut-être de quelque chose de particulier?
– Attendez voir, y’a deux ou trois jours vous dites? Oui, il me semble bien avoir vu deux gars de la ville, jeudi je crois. Ils se sont arrêtés mais j’étais fermée, alors ils sont remontés dans leur auto. J’en sais pas plus, faut dire que ma mémoire n’est plus aussi affutée que dans le temps. Demandez donc à ces messieurs là-bas, y’en a un qui était dans la police vous savez! »
Les trois retraités se rappellent effectivement du passage des agents et notre ancien collègue n’a visiblement pas perdu les réflexes de sa fonction passée. Il nous apprend que nos hommes sont partis vers 18h15 au volant d’une Volvo bleu nuit en direction du Nord et qu’ils n’étaient pas suivis. Il ajoute qu’en cette saison la route de la forêt est glissante et que ça ne serait pas la première fois qu’une voiture accidentée passe inaperçue pendant plusieurs jours, retournée derrière un talus. Son témoignage me laisse une mauvaise impression, comme s’il récitait un texte écrit par quelqu’un d’autre, comme si on essayait de nous éloigner du village. A ma grande surprise, Derrick n’est pas de cet avis. Pour lui il n’y a pas de mystère à Buch, il souscrit totalement à la thèse de l’accident et suggère que l’on rentre sur le champ à Munich afin d’organiser des recherches dans la forêt. Il met un terme à mes objections d’un laconique « On rentre Harry ».
Résigné, je décide de passer à l’épicerie voisine faire des provisions pour le chemin du retour, et accessoirement pour noyer ma frustration sous des kilos de chocolat. Je pose mon kit de survie près de la caisse et patiente une minute ou deux que quelqu’un vienne. Pas de vendeurs en vue. « Excusez moi, il y a quelqu’un? » Pas de réponse. Pressé par le temps – Derrick n’aime pas attendre ça le rend tout ronchon – je décide de laisser le montant de mes achats sur le comptoir sans attendre le retour de l’épicier. A la réflexion, je vais même déposer ça derrière la caisse, comme ça j’en profiterai pour laisser un mot pour lui dire que c’est imprudent de laisser son magasin sans surveillance par les temps qui courent. Je contourne le comptoir et…trébuche sur un objet – un pied? – une jambe! – un homme étendu au sol! Si on en croit la bosse au dessus de son œil gauche, il a probablement été assommé. Je me penche vers lui pour vérifier qu’il respire encore et dégaine mon GSM pour appeler les secours. Soudain, la porte de l’arrière-boutique s’ouvre avec fracas et un homme se rue sur moi en hurlant, comme un diable sortant de sa boîte. Mes années de cours de self-defense ressurgissent instantanément dans mon esprit et, perturbé par le souvenir moite des mouvements félins de ma professeur, je m’écroule lamentablement sous l’assaut. Mon agresseur n’a pas l’air plus doué que moi, il s’est mangé le coin du comptoir dans le genou et se retrouve à terre. Ni une ni deux je me relève d’un bond et l’immobilise avec une clé de bras héritée de mon passage dans les forces spéciales américaines, enfin de Rambo en fait.
« – Mais, mais, vous êtes…jeune? » Pris au dépourvu, je ne peux que balbutier un remerciement gêné. Son visage ne transpire plus la haine, mais une folie désespérée.
– Vite, il faut quitter cet endroit avant qu’ils nous trouvent!
– Agent Bauer? C’est vous? Qu’est-ce qui s’est passé ici?
– Vite partons je vous en prie!
– Mais calmez-vous enfin!
– Les…les vieux…ils nous auront TOUS! »
Alerté par les cris, Derrick entre dans la boutique en courant, ou du moins en marchant (un peu) plus vite que d’habitude. A sa vue, l’agent Bauer se décompose littéralement.
« – IL est là … on est foutu…
– De quoi parlez-vous bon sang?
– Mais c’est lui, LE vieux originel! Celui qui a eu Franz et…et tout le village!
– Derrick, appelez une ambulance. C’est l’agent Bauer, il a essayé de m’agresser et il délire complètement.
– Laissez-moi faire Harry.
– NOOOOOooooooOOoNN! T’approche pas vieux serpent, je suis trop jeune pour devenir fan de Louis La Brocante, nooonn!! »
A peine Derrick a-t-il posé ses mains sur Bauer que ce dernier cesse de s’agiter. Son visage passe du rouge au blanc laiteux, des rides profondes se creusent sur son visage et sa chevelure de blanc se parsème. Le choc de cette vision d’horreur parcourt mon corps comme une décharge électrique, m’étreint le cœur, paralyse mes poumons. Je me jette vers l’arrière dans un mouvement de recul incontrôlé, me laissant tremblant sur le carrelage froid de l’épicerie face à cet homme que je croyais connaître.
« – Harry, mon ami, restez calme. Ne bougez pas et vous ne souffrirez pas, je vous le promets. » Ses lèvres ne bougent pas, sa voix résonne directement au plus profond de mon être.
« – Ça ne prendra qu’une seconde, venez me rejoindre Harry et, ensemble, nous dirigerons mon armée à la conquête du Monde! »
Mon instinct de survie prend alors le contrôle de mon corps et botte les fesses de la peur paralysante qui l’avait envahi. Je me précipite vers la sortie en trébuchant et j’atteins le rectangle de lumière de la porte d’entrée comme une libération.
Devant moi se dresse une centaine de vieillards. Ils forment un large arc de cercle face à l’entrée de l’épicerie, bloquant toute possibilité de fuite. Mes jambes chancelantes me supportent encore quelques mètres avant de me laisser m’écrouler, à genoux et sanglotant en silence, sur le bitume poussiéreux de la route. Je reconnais dans la foule les trois hommes du bar, et je réalise maintenant que l’ancien flic n’est autre que l’agent Franz, et qu’il est là, devant moi, avec quarante ans de plus qu’il y a trois jours. Ma tête tourne sous les coups portés à ma raison. Sentant un mouvement dans mon dos, je rassemble mes dernières bribes d’énergie et de conscience et me retourne face au bâtiment que je viens de fuir. Derrick se tient debout, immobile sur le trottoir, les bras écartés devant lui. Il me fixe derrière ses lunettes en écailles. Les bruits s’étouffent, le temps s’arrête lentement, et une voix terrible s’insinue dans mon crâne.
« – Vous ne pouvez rien faire contre nous Harry. Nous avons gagné cette bataille comme nous avons gagné la guerre. J’ai mené les Vieux à la victoire et bientôt cette vérité éclatera aux yeux du Monde. Regardez mon ami. »
Des images s’immiscent dans mon esprit : Jessica Fletcher, le retour à la mode du tricot, l’OPA hostile du troisième âge sur les systèmes de santé et de retraite, des légions de retraités se massant dans les supermarchés aux heures de pointe comme le cholestérol dans les artères de Pierre Menez…et tout devint clair. Nous avons perdu la guerre, avant même d’avoir pris conscience de son existence…Jacques Chirac, Michel Drucker, Télé matin, le viagra,…
Mes larmes s’assèchent.
C’est calme, et résigné, que j’attends mon sort, les yeux clos.
Au moins, l’agent Franz aura eu la chance d’être à la retraite avant ses 60 ans! 🙂
Une fiction, pas tant que ça en fait. La conquête du vieux a déjà fait pas mal de ravages dans nos rangs. Mais les bisounours ne se laisseront pas faire!