Il y avait longtemps… Après les couplets habituels des gens peu informés, annonçant que les jeux vidéos rendent violents, agressifs, accro et j’en passe, voici qu’un nouveau thème inédit vient d’apparaitre : les jeux vidéos favoriseraient le viol ! Oui, vous avez bien lu…
La polémique nous vient de Fox News, qui a interrogé un psychologue à propos du jeu Bulletstorm. L’objet du débat ? Bulletstorm utilise des termes « sexuels » pour son système de trophées. Pour rappel, les trophées (sur PS3) ou les « succès » (sur Xbox360) sont un petit système récompensant par des points virtuels le joueur lorsqu’il exécute quelque chose de particulier dans un jeu.
Et donc, Bulletstorm a le malheur de jouer sur l’humour noir. On peut ainsi obtenir le succès « Topless » si on parvient à couper un ennemi en deux, ou encore le succès « GangBang » si on tue d’un seul coup plusieurs ennemis. Je passe sur les écueils habituels reprochés à un jeu de ce type (violence horrible, parties du corps explosant à l’écran…)
Suffisant pour créer une mini-polémique ? Et bien oui, vu que d’après nos éminents psychologues, la pratique de tels jeux par des enfants peut provoquer des dégâts hallucinants. Je cite : « Les jeux vidéo comme Bulletstorm envoient le message suivant : la violence et les insultes à connotations sexuelles sont le moyen de régler les différends et les problèmes ». Et on trouve pire : « L’augmentation des viols peut être attribuée en grande partie à la présence de scènes sexuelles dans les jeux vidéo ». Et oui, rien que ca.
Un jeu clairement identifié « pour adultes »
On en arrive à se demander s’il faut en rire ou en pleurer. Je ne suis pas psychologue, et je ne me permets donc pas de juger les conclusions de ces « experts ». Je rappelle juste que Bulletstorm, comme l’intégralité des jeux proposant du contenu violent et/ou sexuel, et classifié 18+ par le système de classification PEGI. Ces jeux sont destinés à un public adulte, capable de discernement et de second degré en face de certains types de contenus.
Encore une fois, tout est une question d’éducation et de comportement parental. Laisseriez-vous votre petite fille de 9 ans regarder un film pornographique ? Laisseriez-vous votre garçon de 7 ans regarder un film d’épouvante ? Laisseriez vous votre enfant jouer avec une tronçonneuse dans le jardin ? Laisseriez-vous votre enfant mettre ses doigts dans une prise de courant ? Il en est de même pour les jeux vidéos. C’est aux parents de décider à quoi peuvent jouer leurs enfants ! Et plutôt que de stigmatiser une nouvelle fois certains jeux, nous ferions mieux de réfléchir à comment mieux informer les parents un peu perdus face aux jeux vidéos et aux nouvelles technologies.
L’attaque sur Bulletstorm est clairement destinée à faire buzzer. Ce genre de sujets est ce qui fait vivre Fox News, la chaîne des réacs américains, et n’a bien sûr aucune crédibilité scientifique. Le viol est une forme de violence, une des plus horribles certes mais il n’y a pas de raison de la séparer des autres types d’actes violents dans ce « débat », donc le fait de le mettre spécifiquement en avant est clairement un artifice destiné à choquer le public de la chaîne. C’est du sensationnalisme de bas étage, un argument digne d’une chasse aux sorcières. Le JV fait vendre, ses détracteurs comme ses défenseurs étant prompts à se foutre sur la gueule à la moindre étincelle.
Sur le fond, je pense que tu as raison de recentrer la discussion sur « quels jeux pour quels publics », c’est indispensable de rappeler ce point pour l’évacuer et pouvoir ensuite se concentrer sur la question centrale : le jeu vidéo rend-il violent ? Pour réfléchir à cette question (espérer y répondre serait présomptueux) ,on peut s’appuyer sur une comparaison avec les autres médias :
– les jeux « traditionnels » aussi sont violents. Les échecs (cf le podcast cité il y a quelques jours ici-même), la bataille (sic), le monopoly : on tue, on conquiert, on exploite. Pourtant personne n’a jamais accusé les petits soldats en plastique d’être à l’origine d’une fusillade. « Oui mais c’est une question de réalisme ! » me répondront certains, et dans ce cas évoquons le cas suivant :
– le cinéma : Orange Mécanique, C’est arrivé près de chez vous, …, on en trouve à la pelle du film pervers et ultra réaliste. Mais on leur donne un crédit supplémentaire, du fait qu’ils appartiennent au 7è art. J’ai choisi des exemples « intelligents », mais du film dégueu, immoral et qui n’a pas l’excuse de servir une réflexion plus profonde on en trouve à foison sans qu’à chaque sortie les bien pensants ne s’insurgent. Reste la question de l’immersion.
Certes, en nous mettant aux commandes, le JV a une influence particulière et éventuellement supérieure. Mais penser cette différence seulement en termes négatifs (en citant uniquement le jeu de viol japonais sorti il y a quelques années dans un article par exemple), c’est refuser au JV ce qu’on accorde autres médias : faire réfléchir, faire grandir le lecteur/spectateur/joueur/etc. Pour une œuvre dégueulasse, on passe sous silence des tonnes de merveilles. Pour citer un exemple personnel, le choix de tuer ou d’épargner les petites sœurs de Bioshock m’a vraiment marqué et s’est révélé plus efficace pour pousser ma réflexion que les trois quarts des bouquins que j’ai lu. Ça reste limité, on a pas encore de JV figure de proue d’un mouvement de pensée, mais je suis persuadé que ça arrivera.
Le JV est un média comme un autre, qui souffre de sa relative jeunesse et de sa hype du moment. Laissons passer du temps et le jour viendra où le jeu vidéo dans son ensemble cessera d’être pointé du doigt, et à ce moment-là on pourra s’attaquer aux exceptions qui viennent pourrir l’image de cet art.